13/01/2011

Zeitkratzer :: Old School - Alvin Lucier

Un magnétophone, une corde de piano, un oscillateur, un instrument de musique isolé : le matériau de base choisi par Alvin Lucier est souvent d’une étonnante simplicité, surtout en regard des hauteurs parfois vertigineuses qu’atteint sa musique susceptible de capter les vibrations du cosmos comme les échos de rythmes biologiques. On est alors plutôt surpris de voir un ensemble de dix virtuoses rompus aux défis techniques les plus audacieux s’attaquer à l’œuvre dépouillée du compositeur américain. Pour cet exercice, Zeitkratzer a donc dû mettre la majorité de son personnel sur le côté, laissant la place à une poignée de solistes pour réaliser l’essentiel de ces pièces conçues entre 1987 et 2001. Ouvrant sur un mode formel et minutieux, « Fideliotrio » est parcouru par une unique note de piano (celui de Reinhold Friedl) qui revient à intervalles irréguliers et dont la résonance est comme prolongée par les lents glissandi d’un alto (Burkhard Schlothauer) et d’un violoncelle (Anton Lukoszevieze) qui s’entrecroisent et se confondent plus d’une fois. Dans « Music For Piano With Magnetic Strings », les cordes de l’instrument sont excitées par des aimants électromagnétiques savamment positionnés et dont le déplacement produit un drone évolutif. Une pièce peut être encore plus indéterminée est l’étonnant « Silver Streetcar For The Orchestra » pour triangle solo (!) qui pourrait bien faire tomber quelques préjugés sur les limites de l’instrument. Tempo, dynamique, étouffement, angle d’attaque sont les paramètres modulés librement par Maurice de Martin qui livre une performance faussement répétitive dont la durée excède très largement la capacité d’attention des fans des Foo Fighters pourtant prompts à l’exultation à la vue d’un triangle. Si « Violynn » fut créée pour Lynn Bechtold, c’est à Schlothauer que revient la primeur de l’enregistrement, lequel immortalise les plaintes d'un violon tournant autour d’une onde sinus et produisant toutes sortes d’interférences. Concluant le recueil, « Opera With Objects » laisse une très grande marge de manœuvre aux interprètes qui sont instruits de tapoter régulièrement sur des petits objets résonants à l’aide de deux crayons, modifiant très progressivement le rythme sans relation avec celui créé par les autres exécutants. Insignifiantes individuellement, ces micro-percussions construisent collectivement un espace très vivant qui invite à se concentrer périodiquement sur différentes sources, à glisser d’un plan à l’autre sans y penser, laissant entrevoir un infini des possibles engendré par une performance délicate et absorbée.

~jcg

un CD paru chez Zeitkratzer Records (zkr 0011) ; distribution : Metamkine

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