15/07/2010

Tom Hamilton :: Pieces for Kohn / Formal & Informal Music

Ceux familiers de la musique électroacoustique éditée par les labels Pogus ou Lovely Music ont difficilement pu échapper à la mention « mastered by Tom Hamilton ». Outre son activité d’ingénieur du son, celui-ci explore depuis plus de trois décennies la synthèse analogique à travers la composition et l’improvisation. S’il est souvent associé à une certaine frange de l’avant-garde new-yorkaise, sa période formative est ancrée dans le microcosme artistique du Saint-Louis des années 1970, dans lequel nous sommes maintenant invités à jeter une oreille rétrospective.

L’intérêt de Tom Hamilton pour le médium électronique remonte à 1965 lorsqu’une conférence de Vladimir Ussachevsky attira son attention sur le travail des pionniers européens et américains. Quelques années plus tard, il fut en charge de la construction du studio de musique électronique de la Washington University et pu enfin avoir accès aux volumineux équipements avec lesquels il allait faire ses armes. L’image d’Epinal du créateur solitaire, reclus dans son laboratoire avec pour seule compagnie les machines les plus ésotériques, est loin de s’appliquer à Hamilton qui a sans cesse cherché les collaborations avec des artistes de tout poil : instrumentistes, plasticiens, vidéastes. Et à Saint-Louis, on finit rapidement par connaître et faire partie de ce « réseau informel d’environ 200 personnes dont tous sont des amis ou des amis d’amis » confie l’intéressé.

C’est justement la rencontre avec Bill Kohn, peintre local ayant traîné ses pinceaux sur pas mal de continents, qui fut à l’origine de ces quatre Pieces for Kohn, basées sur autant de toiles de l’artiste et destinées à être diffusées lors du vernissage de l’une de ses expositions en 1975. Sortie à l’époque de manière plutôt confidentielle en LP chez Somnath Records (bonne chance pour trouver des infos là-dessus), cette pépite est à présent déterrée par le label Kvist qui en propose une réédition digne de ce nom, à partir des bandes originales. Signalons tout de même que les Pieces for Kohn avaient déjà refait surface en 2005, en tant que toute première référence de l’inestimable Creel Pone : les connaisseurs apprécieront. Ravi de voir une exhumation officielle, Keith Fullerton Whitman a depuis respectueusement retiré le CD-R du catalogue. Il y a quelque chose de délicieusement daté dans ces sonorités vintage : discrets borborygmes, strates planantes un rien suranné ou clicks & cuts préhistoriques. Ca bouillonne à petit feu dans tous les coins, formant une polyrythmie qui fait skwushhh, chhhtoing, tictictictic et fffzzz sans emphase, s’autorisant quelques accélérations mais restant généralement prudemment au milieu de la bande passante. Un environnement fourmillant qui fonctionne aussi bien comme une confortable musique d’ameublement que comme un périple captivant lorsque l’on en dissèque chaque seconde.

Egalement parue initialement chez Somnath, Formal & Informal Music examine la relation entre structure composée et éléments improvisés, une dualité devenue depuis récurrente dans l’œuvre de Hamilton. Celui-ci donne quelques informations sur les dispositifs qu’il emploie (systèmes modulaires ARP 2500, E-mu ou Serge) et, surtout, s’entoure ici de deux musiciens : Rich O’Donnell (multiples percussions dont certaines aux noms mystérieux semblent être inventées : tubalum, koto-veen, aqua-lips, sprahng, roto-toms) et JD Parran (instruments à vent). Créée entre 1978 et 1980, la pièce-titre démarre sur de rapides trépidations électroniques sur lesquelles viennent se greffer une flûte démonstrative assortie de résonances métalliques puis, plus tard, le souffle continu d’une clarinette et les ponctuations feutrées de tablas et gongs de gamelan. Vient ensuite Crimson Sterling, première pièce conçue par Hamilton pour être véritablement jouée en concert, élaborée en 1973 et enregistrée en 1977. La structure est relativement similaire avec une discrète trame analogique qui sert de piste à des instruments acoustiques joués sur un mode parfois proche d’un free jazz aux influences extra-occidentales. Le dernier mouvement tombe malheureusement un peu trop dans les effets crispants (ah ce recours immodéré à l’écho !), créant une sorte de multitracking en temps réel pas toujours très subtil. On ne fera pas la fine bouche et on remettra vite dans le lecteur le premier CD qui, malgré ses courtes 32 minutes, justifie à lui seul l’acquisition de cette belle réédition.

~ jcg

un double CD paru chez Kvist (006) ; distribution : Metamkine