13/08/2010

Gen Ken Montgomery :: Birds + Machines

La cohérence dans la confusion et l’expérience du son comme voyage introspectif, l’artiste américain se concentre sur ces thèmes depuis le début des années 1980 en explorant des sources aussi triviales qu’éphémères. Ce compendium de ses premiers travaux immortalise enfin une démarche séminale qui n’a pas pris la moindre ride.

Le CV de Gen Ken Montgomery mérite que l’on s’y attarde tant il est emblématique d’un certain pan de l’underground musical où éthique do-it-yourself et environnement sonore font bon ménage. Sa discographie, principalement sous forme de cassettes, vinyles et CD-R éparpillés sur une myriade de labels les plus confidentiels, témoigne de son intérêt autant pour les sonorités brutes que celles obtenues par la manière forte : Drilling Holes in the Wall, The Beat of the Refrigerator ou encore The Sound of Bubble Wrap. A cela s’ajoutent des collaborations récurrentes avec Conrad Schnitzler ou Scott Konzelmann (Chop Shop), la création en 1989 de la première galerie new-yorkaise consacrée à l’art sonore, Generator (d’où le « Gen » accolé à son patronyme), qui fut aussi le nom de la boutique de disques qu’il tenait dans l’East Village et, bien sûr, un titre de « Minister of Lamination » que personne n’aurait l’idée de lui contester. Le problème dans ce genre de situation est de savoir par où commencer et c’est là que la rétrospective soigneusement compilée s’avère utile. Fidèle à sa mission d’archiviste de l’obscur, Al Margolis ouvre à présent les portes de Pogus à son pote Gen Ken qui fut d’ailleurs un cofondateur du label. C’est la première décennie d’activité (1980-1989) qui est ici passée en revue avec une sélection de quatorze titres inédits pour la plupart, plus un bonus track réalisé en 2009.

Concrète ? Industrielle ? Ambient ? La musique de Montgomery pioche dans tous les registres, bat en brèche toute forme d’orthodoxie et échappe résolument aux classifications rigides. Il y a toujours une forme de vie détectable dans cet univers embrumé, qu’il s’agisse de la mécanique de machines-outils ou des croassements de volatiles empaillés, tous deux dialoguant sur le diptyque « Birds & Machines ». Les traces du quotidien sont quand même le plus souvent passées à la moulinette électronique où couinements analogiques comme ronflements de moteur encrassé s’installent l’air de rien, marmonnements méditatifs et tape loops monomaniaques cohabitent sans difficulté tandis que des voix intérieures pataugent dans les méandres d’une conscience fictive ; la pièce « Subliminal Clutter » offrant une illustration hypnotique de tout ça. Sur les trois derniers titres (les premiers chronologiquement), le voyage remonte jusqu'à l’électropunk abrasif des débuts où l’on croirait assister à une rencontre entre The Fall et Suicide, une collision plutôt réjouissante. Cette très belle collection complémente à merveille l’imposant Pondfloorsample paru en 2002 et offre une nouvelle porte d’entrée dans l’œuvre labyrinthique de ce générateur d’entropie.

~ jcg

un CD paru chez Pogus (21055-2) ; distribution : Metamkine

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PS : interview de Gen Ken Montgomery (41 min en anglais) par David Weinstein pour Art on Air.