17/12/2010

Benjamin Bondonneau & Daunik Lazro :: L’Arbre Ouvert

Portraits picturaux et sonores d’arbres de Dordogne : tel est le sous-titre de ce projet envisagé comme une exposition itinérante. Si celle-ci n’a pas fait halte près de chez vous, voici une nouvelle opportunité d’y jeter un œil et une oreille grâce à un livre-disque confectionné avec passion.

Le moins que l’on puisse dire est que Benjamin Bondonneau, clarinettiste et plasticien de son état, est attaché à son terroir. Après avoir longé la Dordogne du Puy de Sancy à l’estuaire de la Gironde en compagnie de Fabrice Charles, après avoir investi les cavités rocheuses préhistoriques de la région avec le quatuor Cassini, il revient avec une proposition plus que jamais enracinée dans le paysage local et ses quelques 400 000 hectares d’étendues boisées. Pour ces explorations arboricoles, Bondonneau s’associe à Daunik Lazro ; un partenariat préparé par le disque Humus (décidément on tient une thématique !) qui réunissait les deux souffleurs en 2008.

L’Arbre Ouvert est un objet sonore et visuel. Sonore par sa suite de pièces où dialoguent clarinettes et saxophone baryton, trompes et tuyaux, chants d’oiseaux et parole d’hommes. Visuel par son luxueux livret où une trentaine d’œuvres sont reproduites : acrylique sur différents supports, traces d’arbres éclatées, recomposées en filets, en fagots, ocres comme un sol ferrugineux, verts comme le feuillage d’un chêne, noirs comme la truffe du Périgord.

La composante musicale est organisée en séquence très précise où des mouvements clairs et contrastés sont entrecoupés de courts interludes virevoltant souvent dans les aigus et étourdissant l’auditeur dans une vigueur polyphonique. Les lieux d’enregistrements sont multiples : dans les forêts de Dordogne assurément mais aussi, semble t’il, au cœur d’une scierie, non loin d’une bergerie ou à la chaleur de l’âtre. L’instrument s’immisce avec modestie dans l’environnement naturel ou humanisé, en temps réel ou en seconde intention : rien n’est certain. Improvisations et field recordings se télescopent plus d’une fois dans un montage audio soigné, parfois un peu trop, notamment lorsqu’il se laisse aller à la citation superflue (en toute circonstance, dix secondes de Charles Trenet, c’est dix secondes de trop). Ces quelques éparpillements traduisent peut être un besoin de s’élancer dans plusieurs directions simultanément, ce qui n’est pas sans évoquer le sujet même d’investigation. « Comme il se contorsionne l'arbre, comme il va dans tous les sens, tout en restant immobile ! » disait Supervielle qui se retrouve remercié dans les notes d’accompagnement.

Le jeu fait la part belle aux textures : ruminations terriennes, expirations rauques sorties d’on ne sait quel tronc évidé, sifflements tenant du traité d’ornithologie, silence précédant l’orage. Il explore aussi une variété de rythmes comme lorsque la soufflerie des machines-outils se confond avec celle des instruments (« On abat un grand arbre ») ou lorsque des percussions imperturbables se mêlent au ruissellement de la pluie et à d’hypnotiques tremblements pour lorgner du côté des transes africaines (« Dans la forêt sans heures »). Sur le très beau morceau final, la nature respire calmement, le timbre, en cri étouffé, se fait déchirant puis devient grave, le crépuscule est tout proche, fermant avec solennité une marche qui, à son terme, s’affranchit de toute frontière.

~ jcg

un CD + livre paru chez Le Châtaigner Bleu (CASTA 01) ; distribution : Metamkine

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